Comment créer un guide semi-directif appliqué à la construction d'une histoire de vie et d'un itinéraire d'achat et d'usage

Qu'est ce qu'un guide d'entretien semidirectif

On appelle un entretien semi directif une interview réalisée à partir d’un guide comprenant une vingtaine de questions ou un peu plus. Ce guide est construit autour d’un thème sur la base de questions ouvertes. en dessous de chaque question on écrit des idées de relances éventuelles. L’art de l’entretien semi directif est celui de la relance. Ceci explique pourquoi on ne suit pas souvent l’ordre du guide puisque l’on se laisse conduire par la dynamique de l’interview. En termes méthodologique, cela veut dire que dans une enquête qualitative, à l’inverse d’une enquête quantitative, l’objet de l’enquête n’est pas défini a priori, mais à partir de ce disent les acteurs.

La relance est une question improvisée à partir de la réponse de l’interviewé. Par exemple si l’on mène un entretien sur le thème du numérique on peut commencer par une première question du genre : « si je vous dis numérique qu’est-ce que cela vous évoque ? ». La personne peut commencer par répondre en évoquant tous les problèmes qu’elle rencontre dans la vie quotidienne. Il est alors possible de faire une relance sur chaque problème évoqué est de faire raconter l’histoire des incidents, c’est-à-dire le déroulement concret par étapes de la résolution ou non du problème.

En ce sens il est proche de l’entretien non directif. Celui-ci part d’une seule consigne qui indique le thème de l’interview. Par exemple « si je vous dis repas, qu’est-ce que cela vous évoque ? ». Les relances se font uniquement à partir des réponses et du discours du sujet. Le tour de main consiste à écouter en même temps le contenu explicite et les émotions qui sont implicitement exprimées. Les relances sont improvisées à partir des réponses dans ces deux registres.

Par contre l’entretien semi-directif est très éloigné du questionnaire fermé. Dans un questionnaire fermé, il est demandé de répondre par oui ou par non. Il est aussi possible de répondre sur une échelle d’accord. Celle-ci est construite à partir de phrases qui demandent de cocher des cases depuis celle qui indique le moins d’accords à celle qui indique le plus d’accords, par exemple. Ces phrases peuvent être tirées d’interviews réalisées dans une enquête qualitative qui aurait été réalisée avant.

Le guide présenté ci-dessous s’applique à deux cas d’alimentation, celui des assaisonnements pour les salades et celui de la consommation de café. Il a été appliqué à d’autres domaines comme ceux de la santé ou de la digitalisation, de la mobilité ou du logement, etc. Il peut s’appliquer à tous les domaines de la vie quotidienne portant sur des biens et services, matériels ou immatériels, et des lieux comme la cuisine, le living, la salle de bain, le grenier, le jardin, le garage, la voiture, le train, le supermarché, le bureau, l’atelier, l’open space, la ville, etc.

La deuxième partie porte sure aujourd’hui et interroge la personne sur l’itinéraire qu’elle a suivi pour acquérir le bien ou le service sur lesquels on l’interroge. La question première est celle du déclencheur de la demande d’un bien ou d’un service ou de n’importe quelle activité de la vie privée ou publique, professionnelle ou politique. À partir de l’événement déclencheur et en se centrant sur les pratiques qui se développent tout au long de l’itinéraire il est possible de reconstituer les différentes étapes qui conduisent à l’acquisition, puis à l’usage puis au recyclage ou à l’élimination du bien ou du service. La méthode des itinéraires centrés sur les pratiques et les contraintes présupposent que les prises de décision des acteurs ne sont pas individuelles ni qu’elle se limite à un seul moment. Elle présuppose que la décision, y compris la décision d’achat, est un processus collectif et qui se déroule dans le temps.

Le guide est construit suivant deux parties. La première partie porte sur l’histoire de vie. Elle consiste principalement à demander aux personnes de se souvenir des pratiques les plus lointaines dans leur mémoire pour remonter vers les pratiques les plus proches. Grâce à cette histoire de vie il sera possible de reconstituer les différentes étapes du cycle de vie qui bien souvent suivent les étapes scolaires depuis l’école primaire jusqu’au lycée et au-delà jusqu’à la vie adulte, la retraite et le départ vers l’au-delà. La mise en évidence des cycles de vie permet de faire apparaître la logique sociale dynamique qui organise l’évolution invisible du rapport aux biens et aux services et aux nombreux domaines de la vie quotidienne.

Le guide est construit en suivant un principe central. Il est de bien distinguer les questions sur les pratiques, ce que font les personnes, des questions sur les représentations, c’est-à-dire du sens que les personnes donnent à ces pratiques. En distinguant les pratiques des représentations, le guide permet de mieux comprendre les écarts ou les correspondances entre les discours et les pratiques réelles.

Ceci explique la pratique anthropologique qui est de poser des questions sur les lieux mêmes de la pratique que l’on cherche à comprendre est de faire décrire non pas principalement ce que les gens pensent ou leurs opinions ou leurs motivations, mais ce qu’ils font, avec qui et sous quelles contraintes.

On obtient les contraintes en faisant décrire les pratiques et les problèmes qui sont liés à ces pratiques. Il existe, par exemple, 10 principales contraintes matérielle, sociale ou symbolique dans la vie quotidienne et professionnelle.

La connaissance des contraintes va permettre d’interpréter l’écart entre les représentations ou les souhaits ou l’image positive que l’on veut donner de soi et les pratiques réelles. Cela veut dire que le ressenti, les émotions, les motivations et donc ce qui recouvre pour une grande part des représentations ne représentent qu’une partie des entretiens semi-directifs.

À l’inverse, dans une interview plus psychologique ou avec une visée marketing, voire de management, les questions sur le ressenti seront souvent centrales. L’intérêt de ne pas se limiter à l’émotion et de montrer qu’elle est encastrée dans un système de contraintes est que cela permet de faire apparaître une dimension cachée, celle des relations de pouvoir et les interactions entre acteurs dans l’espace domestique ou professionnel.

Au final le guide d’entretien semi-directif présenté ici permet de bien décrire le monde des pratiques d’un côté, celui des représentations symboliques ou imaginaires de l’autre, et celui de leurs relations incertaines grâce à la mise en évidence des contraintes.

Il est en général utilisé à une échelle microsociale ou à une échelle mesosociale, celle des jeux d’acteurs domestiques, dans le logement par exemple, ou organisationnels, dans les entreprises, les administrations ou les associations. La méthode des échelles d’observation ne conduit pas à éliminer les autres explications, mais au contraire à montrer comment chaque explication est pertinente, comment peut faire des rapprochements, mais qu’on ne peut pas intégrer tout le champ des causalités explicatives des comportements humains sur une seule échelle. Il n’y a pas d’observation holistique possible de la vie sociale, d’un côté, et de l’autre toute la vie sociale ne se réduit pas à l’individu. Il existe des organisations, des institutions, des classes sociales, des influences géopolitiques, des influences climatiques qui relèvent d’une autre logique de fonctionnement et d’explication. Aucun individu n’est au centre du monde même si chaque personne peut se sentir comme le centre du monde.

La méthode des itinéraires qui fait raconter aux interviewés le ou les chemins parcourus en se centrant sur les pratiques pour réaliser une action facilite l’analyse de contenu. Elle permet d’organiser les informations suivant un ordre chronologique, ce qui ne veut pas dire linéaire. Elle reconstitue de fait le processus social de décision.

L’analyse de contenu à partir des représentations se fait classiquement par thème et associations. On classe les représentation par perceptions, par type d’imaginaire et par associations symboliques. L’association permet d’interpréter le sens de l’imaginaire. Ici imaginaire et symbolique ont un sens équivalent.

Un exemple concret de guide entretien semi-directif appliqué aux pratiques alimentaires

Mis en ligne par Dominique Desjeux le 28 mai 2019